En faisant la balade dans la vieille partie de Boukhara, il est difficile d`éviter le quartier juif. Situé à proximité du coeur commercial, avec ses vieilles ruelles étroites et ses basses maisons en pisé, il porte en lui-même la valeur historique, en démontrant au visiteur contemporain le mode de vie des siècles passés.
Peuplé autrefois par la forte communauté des Juifs Boukhariotes ( à l`heure actuelle il en reste à peu près 600 personnes), ce quartier nous raconte l`histoire émouvante de cette ethnie qui coexiste pendant au moins de 5 siècles avec la culture musulmane dans cette région. Très souvent poursuivie, négligée et méprisée, elle a quand-même su conserver son authenticité, ainsi que sa foie.
Concernant son apparition, les débats sont toujours tous chauds entre les spécialistes de religions. La plupart de savants pensent qu`il s`agit des Juifs Persaphones, qui ont quitté l`Iran, persécutés par le pouvoir religieux prédominant de l`époque : d`abord par les zoroastriens, ensuite par les musulmans chiites. Mais il est certain, que vers le XVI-ème siècle, cette ethnie s`était bien installée sur le territoire du royaume, dont Boukhara était la capitale. Voilà pourquoi on les appelle les Juifs Boukhariotes, le nom qui est devenu général pour tous les juifs de l`Asie centrale.
Outre Boukhara, leur nombre le plus important peuplait Samarcande, Karchi et la vallée de Fergana. Habitant les quartiers qui leur ont été attribués, les Juifs avaient les droits assez limités. Par exemple, ils n`avaient pas d`audace de porter le turban et devaient se coiffer de petits chapeaux faits en drap foncé. On leur interdisait de se mettre en deux manteaux et se ceinturer avec de larges foulards ou des châles. Il faut y rajouter l`interdiction de rester à cheval ou sur l`âne à l`intérieur de la ville. Ce qui était surtout pénible, après chaque petite averse quand les rues de Boukhara devenaient impénétrables.
Mais, on trouve aussi dans l`histoire de Boukhara la Sainte, les exemples de la tolérance religieuse. Il existe dans le même quartier une petite mosquée tellement enlisée dans les couches archéologiques des siècles passés qu`on ne voit que son portail. Pendant la longue période elle était d`un lieu de prière des Juifs Boukhariotes, avant qu`on leur ait construit la première synagogue – la plus ancienne de toute Asie centrale.
Concernant sa construction, il existe une histoire très intéressante ou bien même une légende.Un jour le grand vizir de Boukhara a été conseillé de créer un bel ensemble avec le bassin dans le quartier juif. Alors, il commence à racheter les maisons pour y réaliser son projet. Après avoir mesuré la surface on a découvert qu`il manquait le petit bout de terre occupé par la propriété foncière de la vieille dame Juive. Plusieurs fois le grand vizir était venu chez la pauvre Veuve pour lui demander de vendre sa maison.
Mais la dame a répondu qu`elle avait décidé de mourir dans ce coin où elle était tellement heureuse autrefois et aurait préféré de le garder. Furieux, le grand vizir s`est adressé au souverain de Boukhara qui était tellement occupé des affaires d`état qu`il a transmis la prise de la décision au tribunal musulman. Le procès a démarré et après avoir étudié le fond de l`affaire les juges ont décrété que si les Juifs payaient djouzia (le taxe spécial que les non-musulmans payaient pour le droit de vivre dans le pays musulman), ils avaient le même droit pour la propriété que les musulmans. Alors la Veuve a gardé sa maison.
Les amis du grand vizir lui ont proposé de tracer le canal sous la maison de la vieille. Quand l`eau a commencé à inonder sa cour et détruire les murs la Veuve est venue voir le grand vizir. Tout content de lui-même, notre ministre l`a reçu avec le coffre plein de pièces de monnaie d`or. Mais la dame n`a rien pris. Elle a juste proposé d`échanger sa maison pour la construction de la synagogue. (Nous avons oublié de vous raconter que depuis les siècles à Boukhara la loi d`Omar fonctionnait. D`après cette loi, il était interdit de bâtir d`autres constructions religieuses sauf celle des musulmans.)
Le grand vizir était tellement heureux de gagner le différend qu`il a vite versé la somme signifiante pour construire la synagogue que vous allez certainement découvrir en vous promenant dans ce vieux quartier ainsi que l`école Juive dont la grande partie d`écoliers sont non-juifs. Encore un autre bon signe de la tolérance religieuse de la région !